mardi 20 janvier 2009

UN ECRIVAIN MAL LOTI


Impossible de revenir d'Istanbul sans avoir croisé le Fantôme d'orient qu'est Pierre Loti. Je gardais de lui cette image traditionnelle et un peu discriminante du dandy voyageur au style ampoulé, intoxiqué d'exotisme et d'érotisme ambigu. Les photographies de l'écrivain en travesti turc dans des décors d'opérette et les non-dits sur les tendances homosexuelles (qui parfois éclatent au détour d'une ligne avec tout l'éclat grotesque du refoulé!) lui ont valu d'être un peu le proscrit de la modernité alors que son époque l'adora. Il y a forcémént une part d' injustice dans les a priori et les critiques sous lesquels on l'accable. Reproche-t-on à Proust ses dissimulations d'Alfred en Albertine ou à Cendrars son goût pour la couleur locale? Ce qui est intéressant chez Loti c'est sa propre histoire, romanesque et bigarrée, ce mélange de nihilisme noir et de fascination sensuelle pour les formes du vivant, ses contradictions quand il verse dans le paternalisme colonial puis la dénonciation des injustices de l'armée française pour laquelle on le destituera de ses fonctions d'officier.

Son style certes est très marqué par le goût de son époque post symboliste; on l'a qualifié de précieux et factice mais à le relire on s'étonne de n'y trouver que de rares adjectifs et des notations réalistes très crues que Zola (auquel il ravi son fauteuil à l'Académie) n'aurait pas reniées.


Dans son recueil Fleurs d'ennui, la nouvelle-conte "Les trois dames de la kasbah" reflète bien ces aspects que je viens de souligner et me semble un échantillon des inspirations et des techniques originales de Loti. " Sous le soleil aveuglant d'Alger la blanche, Kadidja et ses deux filles vivent dans la kasbah où elles vendent leurs charmes; les jeunes matelots français en escale découvrent avec elles les plaisirs de l'orient, mais aussi ses dangers..." annonce la 4ème de couverture. On s'étonne de voir que c'est surtout la déambulation nocturne des jolis matelots dans un labyrinthe des passions (où l'on croise un cabaret de zouaves dansant avec des matelots sur la musique de nègres jouant nus sur des tables!) qui intéresse Loti et donne du relief à son récit. En somme comme si l'on partait des belles algériennes de Delacroix pour finir en naufrage chez Genet tendance Querelle.

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