samedi 13 février 2010

LA NUIT SEXUELLE

Pascal Quignard lorsqu'il se spécialise dans l'herméneutique des mots, symboles, images et mythes, produit une réflexion philosophique et poétique qui m'enchante. Quand il ne se fait pas trop érudit, abscons ou répétitif, cela donne de magnifiques passages dans "Le sexe et l'effroi" ou le volumineux "Nuit secrète".
L'oeuvre de Quignard est traversée par des ombres et des lumières qui l'obsèdent et dont il cherche à percer le secret, l'origine et la destination. La nuit, le sexe, le désir, l'angoisse, la poésie, la mort, la passion... rien de nouveau depuis la nuit des temps, les artistes tournent inlassablement autour de ces topics. Là où Quignard apporte quelque chose de nouveau, c'est quand il jette sur ces grandes obsessions universelles l'acuité de son regard expert et son talent à tisser des liens entre les époques, les auteurs, les peintres et les domaines de la pensée.



Avec "La nuit sexuelle" il interroge la fascination secrète qui pousse l'homme et plus spécialement l'artiste, à se pencher sur la nuit originelle, celle de sa conception par ses parents sur cette nuit impossible à retrouver, au delà du souvenir, de la perception et du temps, mais à laquelle nous devons pourtant notre existence.




A partir de ce désir et de cette angoisse de connaître, Quignard nous invite à un voyage dans l'univers des peintres, de Lascaux à Hopper, et de celui des poètes, des textes mythiques et sacrés, des penseurs et savants de tous horizons confondus. Merveilleux exercice de virtuosité intellectuelle, mais aussi de finesse et sensibilité


" Nous avons besoin très vite, à peine nés, venant du fond d'absence, de quelque chose qui nous regarde. Nous appelons cette chose qui surgit dans le noir, dans l'abandon, dans le vide, dans la faim, dans la nuit, dans la solitude, une image."

"Au fond du désir le masochisme règne. Au fond de la volupté ne pas être actif, être débordé par la joie, être dissous, être anéanti l'emportent. Le masochisme privilégie le désir. On appelle masochiste le sujet se vivant comme homme souffrant du désir. Le désir plutôt que le paradis. Le sentiment de vivre plutôt que la détumescence. Sentir la douleur exister plutôt que dormir dans la béatitude asexuée de la satiété aussitôt devenue inexcitable du bonheur."



"Il y a une joie à regarder (à désirer) de la même façon qu'il y a une abyssale tristesse masculine à jouir (à avoir joui). Celui qui regarde partage le désir sans risquer l'inexcitabilité où tombent d'un coup ceux qui répandent leur sperme. Le voyeur reste figé quand tous les heureux redeviennent recroquevillés, misérables, dégoûtés, disproportionnés."


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