mercredi 24 mars 2010

LE NUMERO CHANEL



Mauvaise chanteuse de cabaret, demi-mondaine ingrate, nouvelle riche vernissée par l'avant-garde artistique, maîtresse d'un haut-gradé nazi durant l'occupation, ringarde et paria avant de redevenir la vieille gloire acariâtre du chic parisien... telle m'apparaît Gabrielle Chanel dont le parcours d' opportuniste froide et revancharde ne m'inspire aucune sympathie particulière.

Certes, dans un siècle d'écrasante domination masculine, il ne restait pas d'autres moyens aux femmes volontaires que l'arrivisme et l'ingratitude, saupoudrés d'un peu de talent et de beaucoup de nez. Chanel et d'autres encore surent user à la perfection des armes que ces messieurs daignaient leur reconnaître : un charme indéniable, un caractère bien trempé et un sens implacable de la revanche sociale. C'est de bonne guerre.




Cependant je m'incline très bas devant sa modernité, son sens de la ligne et de la sobriété, son flair et son regard visionnaire tout ce qu'on appelle son style et qui est d'une importance considérable dans l'histoire du vêtement féminin. Mais par décence qu'on ne me serve pas d'hagiographie sur Coco ni d'éloges lénifiants sur une Cosette qui finit par dormir au Ritz grâce au génie de quelques coups de ciseaux .

Tout son talent a constitué dans une pratique vindicative à l'endroit des grandes bourgeoises trop emplumées, trop corsetées, trop enrubannées et dentellisées de l'avant-guerre, qu'elle a su dépouiller de toutes leurs contraintes et parures vestimentaires, symboles de la puissance économique de leurs maris et de leur soumission à ceux-ci.

Les grands exploits de Coco? Etre indépendante, faire fortune, imposer une mode à l'austérité chic, inspirée des classiques masculins du sport-man anglais: la veste courte et cintrée, les chemises à col blanc, le jersey, le tweed, la marinière, le canotier... Sachant glisser avec intelligence et stratégie sur l'air du temps et les tendances de son époque, elle a trouvé les réponses que tous attendaient et sut s'imposer comme une référence. Chapeau mademoiselle!



Tout ceci est magnifiquement évoqué dans une biographie somptueusement illustrée, signée Edmonde Charles-Roux et publiée aux éditons de la Martinière.
Le film d'Anne Fontaine, "Coco avant Chanel"avec une Audrey Tautou assez convaincante qui a su troquer la moue ingénue d'Amélie pour la grimace mélancolique de la dure Coco, privilégie le récit d'apprentissage d'une orpheline devenue impératrice du luxe, et le mélo peu crédible de sa relation impossible avec son riche mécène anglais Boy. Il fallait une Coco qui lutte, aime et souffre pour séduire les foules du cinéma. Mais vraiment quel personnage ingrat et sec que cette femme! Tautou malgré son charme mutin a bien compris qu'elle devait incarner une emmerdeuse et y a réussi!
Le film, assez monotone et convenu, offre par ailleurs une direction d'art magnifique et viscontienne à souhait! La reconstitution des décors et costumes, la photographie y sont admirablement réussies, mais c'est la moindre des choses pour une production de ce niveau là. Les séquences à Deauville sont de fascinants tableaux du charme proustien des plages normandes et de la vie de palace.





J'attends de voir "Coco et Igor" avec la plus rugueuse et ambigüe Anna Mouglalis pour voir si l'on peut filmer sous une facette plus miroitante et tranchante le profil d'un diamant solitaire qui répond au nom de Chanel.


1 commentaire:

St Loup a dit…

Bon billet Sébastien! Pourtant, je continue à aimer Coco.
Enfant j'ai demandé à mon prof si elle n'aimait pas le prénom Coco. "Mais pas du tout!" elle a répondu
"il ne manque que trois lettres pour devenir "cocotte"!".