vendredi 18 juin 2010

TROIS CHEVAUX


"Castigo para los que no practican su purezza con ferocidad" Mario Trejo, Argentine 1925
Par cette phrase posée en exergue à son roman "Trois chevaux" l'écrivain italien Erri de Luca donne le ton de son récit. Pureté et férocité d'un style et d'un regard sur la vie.
L'Argentine de la dernière dictature et les jardins d'une ville de province italienne sont les espaces croisés et souvent mêlés où un homme travaille et se souvient, fuit le monde et sa solitude en même temps, aime et perd des femmes de trente ans, happées par la force du destin.
Le narrateur est un jardinier au passé d'exilé et de "terroriste" terrorisé fuyant toujours plus loin vers le sud. Il rencontre l'amour à la cinquantaine et prend conscience que si une vie d'homme dure autant que celle de trois chevaux, il vient d'abattre le deuxième.

Traducteur au quotidien de la bible bien que non-croyant, Erri de Luca donne une dimension sacrée aux plus simples détails du quotidien. Artisan, ouvrier, il façonne ses phrases avec la simplicité et la délicatesse des hommes qui travaillent avec leurs mains (les écrivains). On sent à le lire ce qu'est l'expérience du réel et le goût de frotter celui-ci à la poésie, comme on frotte de l'ail sur du pain.
Son univers (et la perception qu'il en donne ) est à mille lieues du mien et pourtant par la grâce de ses mots si justement plantés, il réussit à me le faire sentir et me faire vibrer dès la première page, grâce aussi à la puissante traduction de Danièle Valin.
C'est une magie magnifique que d'ouvrir et refermer un livre comme celui-là.


"Il n'y pas d'échappatoire, la terre est finie, il n'y a pas d'autre sud vers lequel descendre, il n'y a pas de cale de bateau où bercer un sommeil de salut.
Je vois la mer qui râpe les rochers, et le blanc d'ongle des vagues est la ligne qui la sépare de la terre.
Je vois la ligne rouge du coucher de soleil qui sépare le jour de la nuit, je pense que le monde est l'oeuvre du roi du verbe diviser et j'attends la ligne qui viendra me détacher des jours.
La vie est un long trait continu et mourir, c'est aller à la ligne sans le corps."




"Je t'aime par amour et par dégoût des hommes, je t'aime parce que tu es intègre même si tu es le reste d'une autre vie, je t'aime parce que le bout qui subsiste vaut la totalité et je t'aime par exclusion des autres bouts perdus."


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